‘Kéké’, un Annemassien vedette de l’animation sur internet

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‘Kéké’, un Annemassien vedette de l’animation sur internetA 27 ans, Kévin Gemin s’est fait un nom sur internet et les réseaux sociaux grâce à ses pigeons animés, dessinés à partir du logiciel Flipnote Studio de la Nintendo DS. Son style original lui a ouvert les portes d’Arte et des grands festivals européens d’animation et de jeux vidéo. Portrait. Par Léo RuizCet été 2014, le jeune homme de 22 ans s’apprête à partir en vacances avec ses amis. Avant de prendre la route depuis Annemasse, Kévin Gemin poste une nouvelle publication sur son compte Tumblr : un pigeon tout rond qui danse sur un rythme de “French cancan”. Une animation créée, comme d’habitude, à partir de Flipnote Studio, le programme « très basique » de sa Nintendo DS. « Tout le monde aime les animaux, les chats font un tabac sur internet, donc je voulais dessiner autre chose, resitue-il. J’ai alors eu l’idée du pigeon. Je me disais que c’était peut-être trop simpliste, mais tant pis, ça me plaisait. Et là, soudainement, ça a explosé. Mon animation a fait plus de 100 000 vues, alors que j’en faisais une trentaine jusque-là. Cela a été un gros bouleversement. » Le pigeon est partagé des milliers de fois sur les réseaux sociaux et l’étudiant en école d’art se retrouve inondé de messages. “C’était tellement bizarre ! Les gens me demandaient où j’étais, si j’avais des pages sur internet pour trouver mes autres créations. Je me suis donc fait un compte Facebook et une chaîne Youtube, passée en une dizaine de jours de 230 à 90 000 abonnés.» Aujourd’hui, alors que Flipnote Studio fête ses dix ans, le Savoyard comptabilise 430 000 abonnés et sa vidéo d’introduction –un ‘French CanCan’, évidemment– flirte avec les trois millions de vues. « Je pensais que c’était un simple buzz, un coup de chance, mais nous sommes en 2019 et les gens continuent à aimer ça », se félicite l’artiste.« Un artiste doit faire ce qu’il aime »La passion de Kévin Gemin pour le coup de crayon remonte à l’enfance. Fasciné par les dessins animés, les BDs et les jeux vidéo, il s’amuse à dessiner ses personnages favoris, à la maison ou à l’école, où les cours d’arts plastiques sont ses préférés. « Je suis resté marqué par les dessins simples, avec une ligne pure, de cette époque », explique-t-il. Des exemples ? Monsieur Madame, Gaston Lagaffe, Snoopy, le Marsupilami, les Moomins. « J’ai toujours aimé l’animation, mais comme beaucoup de gens de mon âge, je ne possédais pas d’ordinateur. Et puis, le 4 septembre 2009, j’ai découvert Flipnote. » ‘Kéké’, comme tout le monde l’appelle, entre alors en seconde aux Glières à Annemasse. Il réalise que toute une communauté de passionnés rivalise d’ingéniosité pour mettre en scène leurs dessins sur leur modeste console portable, et qu’ils partagent et commentent leurs productions en ligne sur Hatena, le réseau social de Flipnote, fermé en 2013. « Moi aussi, je voulais en être. Deux mois après cette découverte, je ne m’arrêtais plus. J’ai répandu le virus dans le lycée. Beaucoup d’élèves avaient la Nintendo DS, mais peu connaissaient ce logiciel, qui n’avait même pas de tutoriel. Contrairement à Photoshop ou Flash, il fallait tout découvrir par soi-même », se souvient-il.Après des années de « fun » et de tâtonnement, Kévin Gemin trouve son public et son identité grâce au pigeon grassouillet rebondissant. Entre-temps, il a intégré l’école de dessin Emile-Cohl, à Lyon, où il touche aussi au réalisme, la peinture, le nu, les objets, les monuments. Mais son univers à lui, c’est l’animation, où il excelle, malgré les doutes émis à son encontre. « Pendant mes études, on me disait qu’il fallait passer à autre chose, que je ne trouverais pas de travail avec ça. C’était un peu rabaissant », avoue-t-il. Internet et les réseaux sociaux lui donneront la reconnaissance. « Cela montre une chose : il ne faut pas s’arrêter sur les préjugés, un artiste doit faire ce qu’il aime, donner vie à ce qu’il se passe dans sa tête. » Sollicité par sa nouvelle communauté de fans, ‘Kékéflipnote’ perfectionne son style et élargit sa gamme de personnages, en intégrant par exemple le renard, son autre animal vedette. Ses animations gagnent en fluidité, avec beaucoup d’images par seconde. Il puise dans ce qu’il trouve sur le net ou à la télé et y ajoute une connotation humoristique, égayant la journée de ses nombreux abonnés. « Pour certains d’entre eux, des gens qui ne vont pas très bien et qui se sentent mieux grâce à mes personnages, auxquels ils s’attachent », dit-il. Limité par la résolution de Flipnote, logiciel avec lequel il est l’un des rares à persévérer, il élargit modestement sa marge de manœuvre avec l’arrivée en 2016 en France de la nouvelle version sur la Nintendo 3DS. « On est passé à 320 pixels sur 240 et à quatre couleurs », rigole-t-il.Une série sur ArteCe succès sur internet ne passe pas inaperçu et ouvre des portes à celui qui se définit comme « un artiste comme un autre ». La mairie d’Annemasse lui propose des petites missions, pour des écoles, la Maison des Jeunes et de la Culture, ou encore un site d’escalade. Surtout, la chaîne Arte lui propose un projet de série, baptisée ‘L’Odyssée de Klassik’, dans laquelle le personnage, une sorte de souris rondouillarde, revisite la mythologie grecque sur des airs de grands compositeurs des XIXè et XXè siècles. « Cela doit être la seule série au monde réalisée à partir de Flipnote », souligne Léa, amie de Kévin Gemin depuis 2014. « On s’est connus sur un groupe d’artistes de Facebook. Moi, je fais du design, nos deux univers se rejoignent. A cette époque, ses pigeons cartonnaient. Ils étaient carrément dans les émoticônes dans les boîtes de discussion sur internet. Flipnote était un peu mort, mais les gens ont retrouvé leur plaisir de l’adolescence. J’ai même réinstallée le logiciel à cause de lui », s’amuse-t-elle. Les deux amis, qui se sont croisés cet été au festival international du film d’animation d’Annecy, se sont rencontrés pour la première fois en personne à l’occasion de la Japan Expo 2016, au Parc des expositions à Paris. « C’était facile de le repérer, il portait un masque de pigeon. Quand les gens réalisent que c’est lui, il y a un attroupement. Lui est très modeste, il ne se rend pas compte qu’il y a autant de gens qui le connaissent, mais il aime prendre le temps de discuter avec chacun », remarque Léa.L’Annemassien, qui s’exprime désormais en anglais sur ses réseaux sociaux pour s’adresser à toute sa communauté, a aussi participé cette année au festival Polymanga à Genève. En février, il était également l’invité d’honneur du Nordic Fuzzcon, à Stockholm, en Suède. « Les visiteurs m’offraient des gâteaux et des dessins », s’étonne-t-il. Sa prochaine expérience professionnelle aura lieu du côté de Londres, où il a été sollicité pour l’animation d’un jeu vidéo en préparation. Mais Kévin Gemin prévient : il ne cessera pas pour autant de faire vivre ses personnages sur les réseaux sociaux. « C’est un moyen pour moi de garder ma liberté, dit-il. Et puis, si j’arrête, les gens seraient tristes. »