“Le vrai bouleversement, on le doit au Brexit”

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Directeur général de Cimalpes, Benjamin Berger intervient sur six grandes stations, Courchevel, Méribel, Saint-Martin-de-Belle- ville, Megève et Tignes. Ce qui lui donne un poste d’observation privilégié pour décrypter des tendances parfois inattendues.

Le marché immobilier de montagne s’est-il écroulé à cause de la crise du Covid ?
Benjamin Berger : Non. Pour ce qui concerne l’investissement, on a simplement constaté un report. Les ventes qui n’avaient pas pu être signées en fin d’hiver ou au printemps, ont été conclues cet été. Du coup, pour les entreprises qui ont un exercice annuel qui court du 1er septembre au 31 août, le bilan n’est pas impacté.Pourtant, la clientèle internationale est très importante dans les stations alpines et beaucoup de pays ont limité les déplacements cette saison... 
Oui, les six stations sur lesquelles Cimaples travaille, sont même les plus exposées à l’international. Mais cette clientèle étrangère a été remplacée par une clientèle française beaucoup plus importante que les années précédentes. On a aussi eu beaucoup plus de Belges. Megève a également attiré beaucoup de Suisses cette année.Qui sont ces nouveaux acheteurs ?
C’est très varié et on est quand même sur un marché de niche. Difficile donc de dresser une typologie ! En tout cas, il y a des habitués mais aussi des nouveaux intervenants. Certains ont même loué pendant un mois cet été, une durée rare, sauf dans des stations-villages comme Courchevel et Megève, pour mieux connaître le territoire où ils comptaient investir.Les incitations fiscales contribuent-elles à booster ce marché? Oui, elles y contribuent. Le statut de loueur LNMP permet de récupérer la TVA à condition d’assurer au moins trois des quatre services hôteliers : l’accueil, le ménage, la blanchisserie et les repas. Il faut aussi que le bâtiment ait été construit depuis moins de cinq ans et qu’on s’engage à le louer pendant 20 ans. Ce dispositif visant à stimuler l’immobilier de tourisme, existe aussi sur la Côte d’Azur mais il marche sur- tout dans les Alpes.Que répondez-vous à ceux qui demandent un moratoire stoppant toute construction
tant qu’on n’a pas remis sur le marché les lits froids, c’est-à- dire les appartements inoccupés ?
Que ce système contribue justement à placer toutes ces nouvelles constructions en lits chauds! On ne vend plus à des gens qui ne viennent qu’une fois par an et refuseraient de le louer le reste du temps. Par ailleurs, beaucoup de stations, en particulier les six où on intervient, se sont saisies de cette question des lits froids en rénovant ces résidences anciennes qui sont en général des passoires énergétiques. Le plus souvent, les promoteurs qui remportent le marché de leur surélévation d’un étage, assurent par la même occasion la rénovation des parties communes. Ces opérations réveillent ces résidences et les héritiers des premiers acquéreurs, enfants ou petits-enfants, profitent de l’occasion pour revendre  à des investisseurs. Ce qui permet de les rénover et d’assurer une rénovation régulière. C’est un vrai mouvement de fond qui est à l’œuvre. Cela n’a rien de marginal.Aucun autre changement majeur cette année?
Si, le vrai bouleversement, on le doit au Brexit. Le phénomène des catered chalets exploités par des sociétés britanniques est en train de complète- ment disparaître. Ce marché occupait pourtant une position de leader sur le marché de la location des grandes stations, en représentant plus de 50 % de l’offre à Val d’Isère ou Méribel par exemple.Comment fonctionnaient ces catered chalets ?
Leur modèle économique était basé sur les travailleurs détachés anglais, payés de 30% à 60% moins cher que leurs équivalents français. Un dumping social énorme. Ce qui leur permettait de proposer des prix de location ultra- compétitifs pour ces chalets avec ser- vices. Ils étaient souvent mieux placés que les hôtels équivalents. Du coup, ces exploitants pouvaient se permettre de verser par avance le règlement des loyers aux propriétaires, sans attendre d’avoir réellement loué ces catered chalets car leur remplissage par des familles anglaises était quasi-assuré. Le Brexit interdit dorénavant ce fonctionnement. Ce marché s’effondre. Quelques exploitants anglais ont déci- dé de recruter des travailleurs français mais c’est minoritaire. À Courchevel, c’est à peine deux ou trois sur plus de 200 catered chalets. La majorité des exploitants anglais se sont retirés  et tout doit être repris par des sociétés européennes. Nous-mêmes, on est régulièrement sollicité par des propriétaires anglais. Si on n’assure pas le relais, ces chalets risquent de rester vides.La clientèle anglaise qui louait ces chalets, va aussi déserter ces stations ?
Non, c’est plus complexe. Ces Anglais nous répètent : “I will be back.” C’est une clientèle très réactive qui pourrait revenir dès que les conditions le permettent.Mais la location a-t-elle aussi bien résisté au Covid que l’investissement neuf ?
Non. Si on peut dire que le Brexit avait déjà bien gelé le marché, on pourrait craindre que le Covid l’achève cet hiver. On parle d’un recul de 70 % des réservations pour les hôtels. Cer- tains ont d’ores et déjà annoncé qu’ils n’ouvriraient pas cette année car la taille de leur salle de restaurant de même que leur spa, ne leur permettent pas d’assurer les nouvelles restrictions sanitaires en termes de distanciation sociale. En revanche, l’ultra-luxe ne semble pas affecté car ces établissements ont les moyens de rassurer leur clientèle et ils disposent de beaucoup plus d’espace. A priori Le Cheval Blanc ou les Airelles fonctionneront cet hiver.Et les locations saisonnières ? 
Les réservations auraient reculé de 30 à 35 % par rapport à la même période l’an dernier. La clientèle qui le peut, se reporte sur le haut de gamme et loue plus grand. Aujourd’hui, les agences assurent la désinfection entre chaque locataire mais on assure aussi de plus en plus de services comme la fourniture des draps et des linges ou la livraison de courses qui s’est vraiment généralisée. Là aussi, on respecte la distanciation sociale en posant les sacs devant la porte pour éviter tout contact. On propose aussi de faire ve- nir des chefs qui cuisinent directement dans l’appartement ou le chalet. C’est plus rassurant pour les clients.