Aixam : Plein gaz !

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Les explications du Directeur Général, Philippe Colançon. Par Maud Guillot.

Aixam est une société historique en Savoie. Comment s’est-elle développée ?
Philippe Colançon : La création d’Aixam date de 1983, quand on a repris les activités de la société lyonnaise Arola, leader des cyclomoteurs carrossés. Cette PME avait commencé en commercialisant des trois-roues, avec une seule place, un guidon et un moteur de mobylette, puis elle avait évolué vers la voiturette deux places avec un volant. Mais la fabrication était faite par Thimon, basée à Aix-les-Bains. En 1982, ces deux entreprises ont déposé le bilan. 
Pourquoi ces entreprises ont-elles été liquidées ? 
Le groupe Thimon était un spécialiste des machines d’emballage et de conditionnement. Le marché de la voiturette lui assurait de la trésorerie mais n’était pas son cœur de métier. Quant à Arola, il y a eu des problèmes de fiabilité sur les moteurs. Moi, je travaillais chez Thimon. J’étais convaincu qu’il y avait un potentiel. Je me suis associé avec notre fournisseur de pièces en thermoformage à Chanas pour créer Aixam en 1983.

Quelles étaient vos ambitions ?
On voulait créer un véhicule qui ressemble à une voiture. Afin que nos clients, qui n’avaient pas le permis, ne se sentent pas marginalisés. Notre première voiture ressemblait à une Fiat panda. Mais il a fallu repartir de zéro, car le réseau de commercialisation était bancal. On a fait 900 voitures la première année sans perdre d’argent, puis 1800, 2300… Au début des années 90, on était au dessus de 3000. On est devenu leader en 1987. 
Qui étaient vos clients à l’époque ? 
Des gens qui n’avaient jamais eu le permis. Souvent des citadins qui prenaient leur retraite à la campagne et qui ne pouvaient plus bénéficier des transports publics. Jusque dans les années 90, 95 % de nos clients étaient des retraités à la campagne. 


Comment votre entreprise a-t-elle évolué ?
On s’est beaucoup développé dans les années 90. En 1992, on a créé la marque Mega, pour se rapprocher des voitures classiques. Notre Mega, c’était une Méhari moderne. On a même engagé des voitures dans le trophée Andros. On l’a gagné en 1994 ! On a aussi fait le Dakar en 2000 avec Perterhansel… Dans le même temps, l’Europe s’est penchée sur les véhicules roulants dans chacun des pays. 
Comment cela a-t-il impacté votre développement ? 
L’UE a découvert la voiture sans permis française qui avait un avantage sur le deux roues en matière de sécurité et qui permettait de désenclaver les campagnes. Elle a donc uniformisé la réglementation technique. Ce qui nous a ouvert des marchés en Espagne, en Italie, au Portugal… On est passé à 10 000 véhicules par an à la fin des années 90. Puis le fondateur d’Aixam, le fournisseur de Chanas, a souhaité vendre. J’ai donc monté un LBO avec Norbert Dentressangle, qui est devenu majoritaire et qui m’a nommé président.

Comment Norbert Dentressangle, leader européen du transport routier, s’est-il retrouvé dans votre affaire ?
Son siège était à Saint-Vallier. Il passait régulièrement devant nos usines de Chanas. C’est aussi un passionné de bagnole. Il avait regardé nos résultats et s’est intéressé à Aixam. On s’est bien entendu. Il m’a beaucoup appris. D’ailleurs, en quelques années, on est monté à 15 500 voitures par an. Notre gamme s’est élargie, vers les femmes, les actifs… On a rapidement remboursé nos dettes. On a ensuite revendu à Axa, à travers un nouveau LBO. Mais la crise des subprimes est arrivée…


Cette crise vous a-t-elle réellement affectés ?

Oui, car 60 % de nos ventes se faisaient à l’étranger. En Espagne, notre premier marché, on a pris -85 %. On est tombé à 8 500 véhicules par an, alors qu’on devait continuer à rembourser nos dettes. Heureusement, notre structure était légère, avec environ 180 personnes sur les deux sites, Chanas et Aix-les-Bains. On a réussi à ne pas licencier. Ensuite, en 2013, on a vendu 100 % des parts à Polaris, une société américaine qui est un des leaders mondiaux sur les produits récréatifs du type quad et motoneige. Moi, je ne voulais pas travailler pour une grande boite mais ils m’ont convaincu de rester, en me laissant les mains libres…  

Vous avez ensuite redressé l’entreprise en surfant sur les retraits de permis puisque la législation routière s’est durcie ?
Contrairement à ce qu’on peut imaginer, les retraits de permis n’ont jamais représenté un marché important pour nous, quelques pourcents. Pourtant, à la fin des années 2000, on était déjà passé à deux tiers d’actifs parmi notre clientèle. Pour nous, c’est lié au fait que les jeunes ont un peu boudé le permis, soit parce qu’ils vivaient en ville, soit parce que c’était cher, soit parce que c’était un examen supplémentaire… Quand ils trouvaient un premier boulot, ils devaient se déplacer. Comme nos véhicules avaient évolué, s’étaient modernisé, ils achetaient des Aixam.
Le phénomène qui est le plus récent, ce sont les lycéens qui conduisent désormais vos voitures.

Comment l’expliquez-vous ?
La mode chez les jeunes est venue d’Italie. Ça a commencé dans un lycée à Rome en 2005. On a fait jusqu’à 500 voitures par an dans cette ville. Depuis, en Italie, sur toute la partie sud, on ne vend qu’à des jeunes. En France, ça a été plus lent. C’est dans le sud que ça a commencé il y a trois ou quatre ans. Mais la courbe est désormais croissante. On estime que 15 à 20 % de nos conducteurs ont moins de 18 ans. Je précise qu’on peut conduire à partir de 14 ans.

Qu’est-ce qui motive ces achats ?

Les parents ne veulent plus voir leurs enfants sur des scooters. Le marché de l’occasion s’est donc développé. Puis, les familles les plus aisées ont acheté des véhicules neufs, tout équipés. Ils ne sont plus obligés de jouer les taxis pour leurs ados. D’autant que nos voitures ont évolué, comme la City ou le Coupé.

La crise du Covid a-t-elle joué en votre faveur ?
Oui, les commandes ont explosé en juin. On pensait qu’il s’agissait d’un rattrapage. Mais en fait, non. Les parents ne veulent plus voir leurs enfants dans les transports en commun, à cause de la promiscuité. Ils se rendent compte que les véhicules ne perdent pas trop de valeur et se revendent bien. Résultat, le marché est en train d’exploser. On produit 80 véhicules par jour. On va faire +35 % par rapport à 2019 pour dépasser 16 000 véhicules en 2021. Mais on a quelques inquiétudes…


Quelle sont vos inquiétudes ? 

On a du mal à recruter. On emploie 260 salariés et on cherche une trentaine de personnes supplémentaire. On n’est pas fixés sur le profil car on peut les former. Ensuite, on a un risque de blocage avec les composants. Les prix augmentent de façon artificielle. Les cours d’aluminium et de plastiques explosent. Le prix des containers venant d’Asie a été multiplié par 5 ou 6. Je n’ai jamais vu ça en 40 ans.  


Qu’est-ce qui est fabriqué en France ?

100 % des voitures sont assemblées en France. A Chanas, on a quatre usines. On y fabrique les châssis, toutes nos pièces de carrosserie… La troisième usine crée les coques en ajoutant les vitrages et autres pièces… On les envoie enfin vers les usines de montage final, à Aix-les-bains et Chanas. Mais on a des composants qui viennent de l’extérieur : des sous-traitants français ou européens. Les moteurs Kubota viennent du Japon depuis 35 ans.


Mais vos petites voitures individuelles ne collent pas vraiment avec les considérations écologiques…
Depuis 2005, avec nos petits véhicules utilitaires, on s’intéresse à l’électrique. On est convaincus que 100 % de notre flotte sera électrique mais je ne sais pas à quelle échéance. Le problème reste le prix de la batterie. Il a tendance à baisser mais c’est long. C’est pour cela qu’en octobre 2021, on sort un nouveau véhicule avec une batterie plus petite pour 70 km d’autonomie. On sera à 15 % plus cher qu’une thermique, au lieu de 30 à 35 % de surcoût pour nos autres modèles électriques. 
L’électrique, c’est souvent plus lourd. Comment gérez-vous les contraintes réglementaires ? 
Notre quadricyclique doit avoir un moteur limité à 6 kW, une vitesse maximum de 45 km, et une masse à vide limitée à 420 kg. Comme nos clients n’ont pas besoin de beaucoup d’autonomie, car ils utilisent leur voiture pour des trajets du quotidien, notre produit est idéal pour l’électrique. On en a vendus 500 en 2021 mais ça augmente fortement.

Est-ce qu’un jour vous réglerez le problème du bruit du moteur, qui est si “caractéristique” ?
Pour des questions de réglementations, notre moteur diesel est de type industriel. Il est indestructible. C’est un bicylindre diesel refroidi par l’eau mais il ne fera jamais le bruit d’un V12 Ferrari ! C’est d’ailleurs pour ça qu’on parie sur l’électrique : il n’y aura plus ce bruit…

Vous avez aussi une nouvelle concurrence par exemple avec l’Ami de Citroën ?
Oui, on trouve assez drôle de voir des constructeurs automobiles débarquer 40 ans après pour nous expliquer qu’il faut faire des quadrycliques ! En plus, ils font de la communication, dont on profite. Leur avantage, c’est que l’Ami n’est pas chère. Au delà de ça, c’est bien que des groupes considérés comme sérieux s’intéressent à notre métier. Ça permet de crédibiliser notre image.


Quelles sont désormais vos parts de marché ?
Nos deux concurrents principaux depuis le début, c’est Ligier, implanté à Vichy, et Microcar. Ligier a racheté Microcar. Aujourd’hui, Aixam pèse 53 % du marché français et Ligier environ 42 %. A nous deux, on représente 95 % du marché français ! Aixam devrait réaliser un chiffre d’affaires de 155 millions d’euros en 2021.